Dans le mal

Jacob

La lumière de la pièce est fausse. Ce n'est pas de la vraie lumière. Je la connais, la vraie lumière, je l'ai vue. Elle éclaire les choses de l'intérieur. Ce tube néon est un imposteur, il n'éclaire que l'extérieur des choses.


Je suis au courant de la vérité, pas étonnant que ce monde fait d'illusion m'ait attaché à ce lit. S'ils savaient ce que je sais...


Papa est venu. Je lui ai raconté mes dialogues avec Gabriel, je lui ai raconté le dragon rouge, les visions, la mission dont j'ai été investi. Il m'a écouté patiemment. Il y avait de l'eau dans ses yeux.


Quand l'effet des médicaments s'en va, je sens le feu qui m'envahit, une grande paix intérieure, accompagnée d'une puissance démesurée. C'est magnifique, alors j'en parle aux infirmières, et elles reviennent avec plus de médicaments.


Maman est venue. Elle a apporté du gâteau au chocolat. Elle m'a pris dans ses bras. Elle n'a rien dit, je n'ai presque rien dit non plus.


C'est ennuyeux d'être attaché à un lit. J'en ai parlé au psychiatre. Il m'a dit que si je me comportais sagement, on me laisserait sortir au parc. Je pense que c'est une bonne idée.


Qu'est-ce que c'est, le monde ? Est-ce cette pièce aux couleurs pâles ? Comment peut-on concevoir un monde aussi ridiculeusement limité ? J'ai exploré des dimensions autrement plus vastes. Cette pièce est d'une petitesse confondante en comparaison.


Sorti au parc. Vu le ciel. Les fleurs. Des spectres en chemises blanches, ils marchent d'un pas hésitant. Moi aussi, je marche d'un pas hésitant. Et j'ai une chemise blanche. Suis-je un spectre ?


Passé toute l'après-midi à pleurer. Une infirmière est passée dans ma chambre. Elle m'a regardé avec pitié. Elle a laissé un bonbon sur la table de nuit.


Mamie est venue. Elle a pleuré. J'ai essayé de la consoler, je l'ai prise dans mes bras.


J'ai écouté le psychiatre s'adresser à une infirmière, j'étais derrière la porte. Il a parlé de bouffée délirante aïgue, de début de schizophrénie. Ces mots me poursuivent et me font mal.


Pleuré toute la matinée. Ça fait du bien. On me laisse marcher à gauche et à droite. Je dis bonjour aux gens, maintenant.