Abdalahad devise encore
Cette planète est décidément passionnante. Certes, comme tous les autres, j'ai suivi l'apparition de la vie puis des humains en leurs temps. Personne n'avait compris le but du jeu, à l'époque. Bien sûr, les organismes monocellulaires étaient une merveille d'orfèvrerie. Ceux qui ont suivi, plus complexes, étaient tout aussi beaux. Et le sont toujours. Mais à quoi bon donner une conscience divine à certains d'entre eux ? Cela reste de la poussière froide et humide, non ?
Personne n'a compris, tout le monde a accepté. Ce n'était pas nos affaires.
Maintenant, les autres sont partis, je suis le dernier à me poser la question. C'est malin.
Chose rassurante, les humains n'ont pas beaucoup plus d'idées que moi sur le pourquoi de leur présence dans l'univers. Encore heureux, après tout c'est bien pour ça que je viens vers eux.
Ceux sur qui j'ai soufflé ont répondu à mon appel. J'ai senti leur conscience effleurer la mienne, chose inhabituelle évidemment, et ô combien rafraîchissante, je dois le concéder. Bien sûr, ils ne savent pas qui je suis, mais cela changera. Il leur faut certainement du temps, puisqu'ils sont à ce point attachés à la matière. Celui qui s'est le plus facilement raproché de moi est également celui à l'avoir le moins bien supporté. Alors même que nous contemplions l'étoile de leur système, il est parti brutalement, sans crier gare.
Tout ceci est-il vraiment une bonne idée ? Ce ne serait vraiment pas malin de ma part si j'en abîmais un ! J'espère qu'ils vont mûrir pour qu'on puisse parler, parce que j'ai de plus en plus de questions.
En fait, mes questions suivent le chemin de toutes les questions que tout le monde s'était posé à l'époque où les humains ont ouvert les yeux sur le monde et obtenu leur propre voix. Le souci, à l'époque, et tout le monde s'en était vite rendu compte, c'est que les questions qui portent sur les humains sont de véritables trous noirs métapsychiques. La pensée se fait aspirer et quand on s'en éloigne, on se retrouve avec plus de questions qu'avant. Certains se sont intéressés à eux, se sont rapprochés de leurs boucles limitées, ont semblé s'y amuser même, et ont sombré derrière l'horizon des évènements. Pour moi, les humains sont une aberration, fin de l'histoire. Personne ne s'en mêle plus.
Sauf moi, évidemment. Les autres sont partis, j'imagine que c'est moi qui vais devoir m'y impliquer en entier. Nom d'une étoile à neutrons ! Je m'intéressais à ce que je ne savais pas, et me voilà pris dans le disque d'accrétion de la question humaine. Je ne sais pas où ça me mène, et c'est déjà un progrès dans mon expérience, n'est-ce pas ? Voilà déjà une chose gagnée dans ma quête d'ignorance : où la question humaine m'emmènera-t-elle ?